Le secteur culturel, englobant le spectacle vivant, le cinéma, les arts visuels, et bien d’autres disciplines, est malheureusement loin d’être épargné par les violences et harcèlements sexuels et sexistes (VHSS). Ces dernières années, les voix se sont élevées pour dénoncer des comportements inappropriés et systématiques, soulignant une culture de l’impunité trop souvent présente. Cela a conduit à une prise de conscience générale sur la nécessité urgente d’agir en matière de prévention des VHSS.
Les enjeux sont multiples : protéger les individus, préserver la réputation des institutions, et garantir des conditions de travail saines et respectueuses. Mais ces questions touchent aussi la pérennité même des organisations culturelles. Une entreprise ou une association qui néglige la prévention des VHSS peut subir de graves conséquences, tant humaines que légales.
Les VHSS sont définis par la loi française, dans le Code pénal et le Code du travail, comme des comportements indésirables à caractère sexuel ou sexiste, qui portent atteinte à la dignité d’une personne, ou qui créent un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
Dans le secteur culturel, les facteurs aggravants sont multiples :
Des conditions de travail souvent précaires, avec une multitude de contrats courts (intermittence, CDD), rendant difficile la dénonciation des abus.
Un environnement de travail parfois informel, avec une porosité entre la vie personnelle et professionnelle.
Des rapports de pouvoir marqués, notamment dans le spectacle vivant, où les directeurs artistiques, producteurs, et metteurs en scène détiennent souvent une autorité absolue sur leurs équipes.
Selon une enquête menée par le ministère de la Culture en 2022, près de 38 % des personnes interrogées dans le secteur déclaraient avoir été victimes ou témoins de harcèlement ou d’agressions sexuelles au travail. Ce chiffre, alarmant, montre à quel point ce phénomène est enraciné dans certaines pratiques professionnelles.
Un Cadre Légal Renforcé
Les VHSS sont encadrés par plusieurs dispositions légales. Depuis 2018, le cadre législatif français s’est renforcé sous l’impulsion du mouvement #MeToo et des luttes pour l’égalité des sexes.
a) par le Code pénal et le Code du travail
Le Code pénal réprime sévèrement les faits de harcèlement sexuel, définis comme « le fait d’imposer à une personne de manière répétée des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ». Une simple proposition à caractère sexuel non consentie peut être qualifiée de harcèlement sexuel s’il y a abus d’autorité.
Le Code du travail, de son côté, impose aux employeurs une obligation de sécurité, les contraignant à prévenir et sanctionner les actes de harcèlement moral et sexuel. En cas de manquement, l’employeur peut être tenu responsable des faits de harcèlement, même s’il n’en est pas l’auteur.
b) par la loi n°2018-771 dite « Loi Avenir professionnel »
Cette loi a introduit des obligations de prévention pour les entreprises :
La désignation d’un référent « harcèlement sexuel » dans les entreprises de plus de 250 salariés et dans les comités sociaux et économiques (CSE).
La mise en place de formations obligatoires sur le harcèlement sexuel pour tous les membres du personnel.
Une politique de tolérance zéro vis-à-vis des comportements sexistes.
c) La convention collective du secteur culturel
Certaines branches du secteur culturel ont intégré des dispositions spécifiques sur la lutte contre les VHSS. Par exemple, la convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant prévoit des actions de sensibilisation et de prévention à destination des salariés et intermittents.
Pourquoi il est Impératif de Former ses Salariés
Si la législation est de plus en plus contraignante, la simple application de ces textes ne suffit pas. Il est impératif pour les employeurs de former leurs salariés afin de créer une culture d’entreprise respectueuse et exempte de toute forme de harcèlement.
a) Sensibilisation des équipes
Une formation adéquate permet d’abord de sensibiliser l’ensemble des équipes aux risques des VHSS, à leur identification et aux actions à entreprendre. Cette étape est cruciale car une grande partie des VHSS se déroulent dans des contextes où les comportements inappropriés sont banalisés ou non identifiés comme tels.
Les salariés doivent être en mesure de reconnaître les situations de harcèlement, qu’elles soient directes ou indirectes, et de comprendre qu’ils ont le droit, voire le devoir, d’agir.
b) Responsabilisation des managers et encadrants
Les managers jouent un rôle clé dans la prévention des VHSS. Leur formation permet de leur donner les outils nécessaires pour repérer, prévenir et traiter les cas de harcèlement. Ils doivent aussi être formés à établir un cadre de travail respectueux et sûr, où chaque membre de l’équipe se sent écouté et soutenu.
c) Réduction des risques juridiques
Ne pas former ses salariés expose l’employeur à des risques juridiques importants. En cas de plainte, l’absence de formation pourrait être interprétée comme un manquement à l’obligation de prévention et de protection des salariés, avec des sanctions lourdes à la clé.
Former régulièrement ses équipes sur les VHSS permet ainsi de limiter ces risques, mais aussi de créer un environnement de travail plus sain et performant.
Enclencher une Démarche Active de Prévention des Risques
La formation des salariés n’est qu’un aspect de la prévention des VHSS. Il est essentiel d’aller plus loin en mettant en place une véritable démarche active de prévention au sein des organisations.
a) Politiques claires et affichées
Il est indispensable d’établir des politiques claires en matière de lutte contre les VHSS, comprenant des sanctions précises pour tout manquement. Ces politiques doivent être visibles de tous et rappeler les moyens mis à disposition des victimes pour signaler les faits.
b) Désignation d’un référent harcèlement
La désignation d’un référent « harcèlement » au sein des organisations culturelles, même dans les structures de petite taille, est primordiale. Ce référent doit être formé et en mesure d’accompagner les salariés en cas de besoin.
c) Climat de dialogue et d’écoute
Favoriser un climat de dialogue ouvert et bienveillant permet aux victimes potentielles de se sentir en confiance pour dénoncer les faits de VHSS. Il s’agit de briser la loi du silence, souvent exacerbée par la crainte des représailles ou la peur de perdre son emploi.
d) Plan d’action
Enfin, chaque structure culturelle devrait élaborer un plan d’action spécifique en matière de prévention des VHSS, comprenant des campagnes régulières de sensibilisation, des formations récurrentes, et un suivi des cas de harcèlement.
Face aux enjeux des VHSS dans le secteur culturel, il est impératif d’enclencher une démarche proactive de prévention, en passant par la formation des salariés et des actions concrètes. La responsabilité des employeurs ne s’arrête pas à la simple application des textes légaux ; ils doivent veiller à créer un environnement de travail respectueux, où chacun est protégé des violences et harcèlements.
En investissant dans la formation et la prévention, les structures culturelles peuvent non seulement se protéger des risques juridiques, mais aussi garantir un climat de travail épanouissant et créatif pour tous.
A voir aussi : les formations AGECIF sur le thème des Violences et harcèlement sexuels et sexistes – VHSS